Article
Madame Lisa French
Vice-présidente, Normes d’information sur la durabilité
Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité (CCNID)
277, rue Wellington Ouest
Toronto (Ontario) M5V 3H2
Objet : Commentaires de l’ABC1 sur les exposés-sondages 1 et 2 des Normes canadiennes d’information sur la durabilité (NCID) et du projet de critères de modification du CCNID
Madame,
Je vous remercie de cette occasion de présenter les commentaires de l’ABC au sujet des exposés-sondages sur les projets de Normes canadiennes d’information sur la durabilité (NCID), soit Obligations générales en matière d’informations financières liées à la durabilité, NCID-1, et Informations à fournir en lien avec les changements climatiques, NCDI-2, (ensemble, les normes), en plus du Projet de critères de modification. Nous avons été ravis de participer à la séance de table ronde ABC/CCNID du 7 mai dernier où nous avons partagé les points de vue préliminaires de certaines banques sur les questions présentées dans les documents de consultation du CCNID.
Dans la présente lettre, nous vous exposons les principaux points épineux pour le secteur bancaire. Nous sommes conscients que l’adoption des normes définitives est volontaire et que les organismes de réglementation canadiens, comme le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) et les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), décideront de la nécessité de rendre obligatoire l’adoption de ces normes. Nous encourageons quand même le CCNID à discuter avec les AVCM et le BSIF de l’interopérabilité de tous les aspects des normes proposées. Nous nous rangeons à l’avis du BSIF et des AVCM concernant l’axe d’intervention initial, soit les informations en lien avec les changements climatiques, ainsi que les allègements transitoires de deux ans proposés par le CCNID pour les déclarations outre que sur les possibilités et risques climatiques. Par ailleurs, nous croyons savoir que les dispositions de l’allègement transitoire sont destinées à entrer en vigueur à la date d’adoption de la version définitive des normes par les organismes de réglementation.
- Préoccupations liées à la mise en œuvre opérationnelle
- Allègement transitoire
Nous approuvons tous les allègements transitoires proposés par le CCNID2 en raison des importantes difficultés en matière de données, liées à la mesure et à la déclaration de certains éléments avec précision.
Nous sommes conscients que les NCID-1 et NCID-2 sont toutes deux des normes facultatives et que les organismes de réglementation canadiens ont indiqué qu’ils se concentreraient initialement sur les informations en lien avec les changements climatiques. Cependant, nous désirons souligner les difficultés associées à la mise en œuvre de la norme NCID-1 et nous assurer que les préparateurs des déclarations NCID-1 disposent d’un allègement transitoire suffisant et de conseils adéquats. Au nombre de ces difficultés, citons :
- Les méthodologies à employer pour mesurer la plupart des risques et possibilités liés à la durabilité au-delà des changements climatiques sont relativement jeunes et en cours de développement.
- Les données disponibles manquent cruellement
- Le sens de cheminement et la précision sont insuffisants pour choisir des indicateurs chiffrés sérieux, comparables ou fiables, et les cibles à déclarer (c.-à-d. les entités doivent-elles tenir compte des normes de la Global Reporting Initiative, des Normes européennes de reporting sur la durabilité, etc.?).
Comme nous l’avons déjà mentionné, nous sommes favorables à l’allègement transitoire de deux ans pour d’autres informations financières sur la durabilité et proposons un report supplémentaire d’un an pour les informations quantitatives sectorielles non liées aux changements climatiques en vertu de la NCID-1. À mesure que les banques renforcent leur capacité à recenser, à surveiller et à signaler d’autres risques et possibilités liés à la durabilité au-delà des changements climatiques, il est probable qu’elles commencent par des informations qualitatives. Elles auront alors besoin d’au moins un an de plus pour mettre en place des processus et établissent des sources de données convenables avant d’être en mesure de présenter des informations quantitatives utiles (c.-à-d. pour les périodes de déclaration postérieures au 1er janvier 2028).
- Enchaînement des déclarations
Nous recommandons aux organismes de réglementation compétents de déterminer les bons délais pour les déclarations qui sont de leur ressort. Il est crucial de maintenir un équilibre parfait entre la pertinence et la ponctualité d’une part, et la vérifiabilité, la clarté et la facilité d’accès aux données d’autre part. Par exemple, selon la ligne directrice B-15 du BSIF, les informations financières en lien avec les changements climatiques doivent être publiées au plus tard 180 jours après la fin de l’exercice. La NCID-1 prévoit un allègement transitoire3 similaire pour permettre à une entité déclarante de publier ses informations sur la durabilité en même temps que son prochain rapport financier général du deuxième trimestre. Le délai de publication prévu par le BSIF n’est pas transitoire et l’allègement prévu par le CCNID est limité à la première année d’adoption. Ainsi, nous invitons le CCNID à envisager de modifier ses normes pour permettre la publication des informations sur la durabilité dans les 180 jours suivant la fin de l’exercice. Pour les raisons indiquées ci-dessous, nous avons de forts doutes quant à notre capacité à publier simultanément tant des informations financières que des informations sur la durabilité.
La disponibilité et la qualité des données demeurent de grands obstacles à la publication d’informations fiables, comparables et opportunes. Nous tenons à souligner que la collecte et le calcul des données sur la consommation énergétique pour les émissions de fonctionnement, ainsi que la collecte et le calcul des données sur les émissions financées, prennent généralement plusieurs mois après la fin de la période de déclaration des émissions annuelles. De plus, ces processus peuvent s’achever avant la fin de l’exercice des banques (p. ex., de nombreuses banques déclarent leurs émissions de fonctionnement pour la période du 1er août au 31 juillet) afin de garantir une disponibilité suffisante des données. Toutefois, les banques publient leurs rapports financiers annuels quatre à six semaines suivant la fin de l’exercice. Nous sommes d’avis que la communication des informations dans un délai aussi court entraînerait un recours intensif aux estimations, augmenterait involontairement l’incertitude des mesures, compliquerait les principaux indicateurs chiffrés, et nuirait à la vérifiabilité et à la compréhensibilité des résultats publiés. Nous estimons qu’un décalage entre les états financiers et les informations relatives à la durabilité ne portera pas atteinte de manière significative à l’utilité des informations pour la prise de décisions et la pertinence des informations.
- Choix du support de publication des informations
Nous croyons aussi que les organismes de réglementation compétents doivent choisir le support de publication des informations et que les institutions financières ne devraient pas être tenues de publier ces données dans un « document de référence », comme le rapport de gestion, la notice annuelle ou la circulaire de sollicitation de procurations d’un émetteur (« documents de référence prévus par les lois sur le marché des valeurs immobilières »). Par exemple, le BSIF n’a pas exigé que les informations liées aux changements climatiques soient intégrées aux documents d’informations financières des institutions financières. Nous avons demandé une certaine souplesse quant au choix du support de publication des informations pour éviter la discordance dans les périodes de présentation des informations financières trimestrielles et des informations relatives à la durabilité, en vue d’épargner aux utilisateurs des rapports une situation de confusion s’ils les retrouvaient sur le même support.
- Désalignement des périodes de déclaration
Nous sommes heureux de la souplesse offerte par le paragraphe B19 de la NCID-2, notamment en ce qui est de permettre à une entité déclarante d’utiliser, pour les entités de sa chaîne de valeur, une période de déclaration des GES différente de sa propre période de présentation de ses informations financières. Nous proposons de rayonner cette souplesse pour l’appliquer de manière plus large à tous les indicateurs chiffrés de la durabilité, du fait des problèmes de disponibilité des données pour les indicateurs chiffrés liés à la durabilité autres que les indicateurs relatifs aux émissions de GES dans une chaîne de valeur. Nous craignons que l’utilisation d’estimations pour des éléments de données critiques manquants, comme les données sur la consommation d’énergie, ne produise des résultats faussés qui pourraient induire en erreur le lecteur quant au rendement d’une entité déclarante en matière de durabilité. En tenant compte du décalage, il serait possible de maximiser le recours à des données réelles, ce qui, selon nous, servirait au mieux les intérêts des principaux utilisateurs. Les banques feront de leur mieux d’utiliser les données les plus récentes et les plus pertinentes dans leurs calculs.
Cependant, si la période de déclaration des informations sur la durabilité doit correspondre aux périodes de présentation des informations financières, même lorsque les données critiques sous-jacentes ne sont pas encore disponibles, nous demandons au CCNID de fournir des directives de mise en œuvre supplémentaires, après consultation avec le Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité (ISSB).
- Systèmes de classification des industries
Les organisations dans d’autres pays peuvent suivre différents systèmes de classification (p. ex., Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN), Classification type des industries (CTI), Nomenclature statistique des activités économiques (NSAE), Classification internationale type par industrie de toutes les branches d’activité économique (CITI), etc.). Nous recommandons au CCNID d’autoriser les entités canadiennes à continuer à utiliser les systèmes locaux au lieu de les obliger à adopter la CITI. Nous recommandons fortement l’utilisation du SCIAN, car toute autre solution serait très difficile et coûteuse à mettre en œuvre pour les banques, ce qui s’inscrirait dans la droite ligne des principes énoncés par le CCNID lui-même dans le paragraphe 2 de son Projet de critères de modification. En effet, ce dernier précise que le CCNID peut envisager de modifier les normes IFRS d’informations sur la durabilité.
Le BSIF a exigé que les banques utilisent le SCIAN pour leurs divers programmes et informations en matière de risques climatiques, notamment la ligne directrice B-15 sur les déclarations en matière de risques climatiques et l’exercice normalisé d’analyse de scénarios climatiques (ENASC). Le BSIF est favorable à l’utilisation du SCIAN, car Statistique Canada et le Bureau du recensement des États-Unis tiennent fréquemment à jour les codes du SCIAN pour s’assurer qu’ils conservent leur adéquation et leur pertinence. Les codes sont coordonnés et normalisés dans les deux systèmes. Les codes sont également librement accessibles au public, et sont accompagnés de descriptions détaillées et d’informations techniques qui facilitent leur utilisation4. De plus, le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (CBCB) autorise les États à appliquer des systèmes de classification locaux, car il estime que de tels systèmes n’ont aucun effet important sur la comparabilité mondiale des rapports des banques. Les banques canadiennes utilisent le SCIAN pour tous les rapports soumis au BCBS.
Il importe de noter que la CITI n’est pas aussi détaillée que le SCIAN, en particulier dans les secteurs clés sensibles à la transition. Par exemple, la CITI ne démarque pas le pétrole du gaz. La granularité du système de classification est importante compte tenu de l’utilisation des secteurs industries dans la détermination des ajustements du risque financier.
- Règles d’exonération
Nous encourageons fortement le CCNID à collaborer avec les ACVM pour envisager des protections d’exonération liées au climat qui relèvent de sa compétence. Les protections actuelles relatives aux informations prospectives en vertu des lois sur les valeurs mobilières ont une portée très limitée et ne couvriraient pas la plupart des informations sur les risques climatiques. Des protections d’exonération liées aux risques climatiques seraient bénéfiques, encourageant les entités à publier des informations solides sur les changements climatiques, même au cas où les méthodologies seraient moins claires et les données imparfaites.
Par exemple, pour le projet de NCID-2, il est nécessaire de reconnaître que la science climatique, les données, les normes, les méthodologies et les orientations réglementaires pertinentes sont encore en cours de développement et incluent des horizons temporels plus longs que les informations prospectives traditionnelles. De plus, elles reposent sur des normes et méthodologies tierces qui peuvent être axées sur des estimations et peuvent être de mauvaise qualité. En conséquence, nous demandons au CCNID de réitérer aux ACVM les défis actuels liés à la production d’informations sur les risques climatiques afin d’encourager l’adoption de dispositions d’exonération de responsabilité solides concernant les informations à fournir pour : (1) les émissions de GES de portée 1, 2 et 3; (2) l’analyse de scénarios liés au changement climatique; (3) la tarification interne du carbone; (4) les plans de transition liés aux changements climatiques; (5) les cibles et objectifs; (6) les effets financiers des risques et possibilités liés aux changements climatiques; et (7) la détermination par les entités des informations importantes en lien avec les changements climatiques.
Nous appuyons aussi la collaboration du CCNID avec les ACVM en vue d’accorder une exonération à tout particulier (p. ex., administrateur), conseil d’administration, comité ou organisme équivalent désigné comme ayant des compétences et des aptitudes en lien avec les changements climatiques, similaire à l’exonération accordée à d’autres administrateurs « experts » dans certains pays (p. ex., experts financiers qui sont membres de comités d’audit), afin d’éviter l’entrave à la capacité d’une entité à recruter et à conserver de tels experts.
- Résilience climatique
Nous recommandons au moins deux ans de transition pour ce qui est des informations sur l’évaluation par une entité de sa résilience climatique (dont fait partie intégrante l’analyse de scénarios en lien avec les changements climatiques). La récence des méthodologies ainsi que les limites actuelles des données occasionnent des difficultés pour obtenir des résultats utiles à la prise de décisions à partir d’exercices d’analyse de scénarios en lien avec les changements climatiques.
Par exemple, l’analyse normalisée de scénarios liés au climat est toujours en cours d’élaboration par le BSIF dans un contexte canadien, le BSIF ayant lancé son ENASC cette année. L’ENASC offrira une occasion de renforcer les connaissances et les capacités de toutes les IFF touchées dans un contexte juridique canadien.
Bien que l’analyse de scénarios liés au climat soit plus large que l’ENASC, il s’agit d’un domaine naissant encore en développement. En effet, le BSIF n’a pas fixé de date précise pour les informations sur l’analyse de scénarios en lien avec les changements climatiques dans la ligne directrice B-15. Les banques et les entreprises canadiennes d’autres secteurs peuvent se servir des leçons tirées de l’ENASC du BSIF (adapté au contexte canadien) pour mieux éclairer leurs propres programmes d’analyse de scénarios climatiques afin de produire des informations climatiques de meilleure qualité, une fois qu’elles auront atteint un certain niveau de maturité.
Nous vous remercions à l’avance de tenir compte de nos commentaires. Nous serons heureux de discuter de notre présentation à votre convenance.
Je vous prie de recevoir, Madame, l’expression de nos meilleurs sentiments.
Darren Hannah
1 The Canadian Bankers Association is the voice of more than 60 domestic and foreign banks that help drive Canada’s economic growth and prosperity. The CBA advocates for public policies that contribute to a sound, thriving banking system to ensure Canadians can succeed in their financial goals. www.cba.ca
2 Although we are mindful that Federally Regulated Financial Institutions (FRFIs) will need to comply with specific aspects of CSDS earlier (e.g., GHG emissions) per OSFI Guideline B-15.
3 1 Transition Paragraph E4 (a).
4 Standardized Climate Scenario Exercise – Draft for consultation - Office of the Superintendent of Financial Institutions (osfi-bsif.gc.ca)